Les Rejetés dans la Roue du Temps
Des légendes et des mythes
Tandis que le Troisième Âge approchait de sa fin, il était devenu coutume de narrer de bien sombres légendes. Partout, les trouvères itinérants, les bardes à la cour et même les parents racontaient en chuchotant la déchéance des treize Rejetés. Ces Aes Sedai de l’Âge des Légendes, les “serviteur de tous“, qui par leur orgueil et leur ambition trahirent l’humanité pour les Ténèbres. Huit hommes et cinq femmes qui se dévouèrent corps et âmes au Ténébreux, gagnant l’immortalité au prix de leur liberté.
Leurs noms d’origine, pourtant, sont presque oubliés par tous à l’exception de quelques érudits. Mais tout le monde se souvient de leurs noms de déchéance.
- Be’lal, le Dueliste
- Balthamel, L’Historien
- Rahvin, l’Envieux
- Asmodean, l’Artiste
- Moghedien, l’Araignée
- Semirhage, la Tortionnaire
- Sammael, le Champion
- Aginor, le Généticien
- Mesaana, la Mère
- Graendal, l’Hédoniste
- Demandred, le Général
- Lanfear, la Fille de la Nuit
- Ishamael, le Renégat de l’Espoir
De ces noms d’anathèmes, pourtant, ils en firent leur symbole, comme une moquerie à la Lumière.
Alors que ces gens sont appelés Rejetés par la majorité de la population, les associant au fléau, on les considère comme comme des saints chez les Suppôts des Ténèbres, les appelant les Elus. En effet, les Elus ont été les premiers parmi les serviteurs de leur Grand Seigneur. Ainsi, les Suppôts les considèrent avec une crainte de leur puissance, mêlée de respect pour le pouvoir de leur Maître en damnation.
Plus important encore, les Rejetés sont enviés car le Grand Seigneur des Ténèbres leur a spécifiquement offert une quasi immortalité. L’âge n’a que peu d’effet sur eux et la mort n’est pas forcément la fin de tout…
SI les Rejetés sont si craints, c’est parce qu’ils sont associés à la chute de l’Âge des Légendes, cette ère de prospérité et de paix qui a eu lieu près de trois mille ans avant les évènements narrés dans le roman.
Ce sont eux qui causèrent sa destruction, faisant redécouvrir guerres, épidémies et famines à l’humanité, même s’il faut noter que les pires horreurs de la période furent causées après leur emprisonnement dans le Mont Shayol Ghul. Pourtant, personne n’a oublié que c’est en partie à cause des treize et de leur dépravation que le Dragon et ses Compagnons sont allés affronter le Ténébreux aux portes de sa prison et ont ainsi condamné leur monde…
De même, les Rejetés sont pour la plupart associés à de multiples crimes et abjections, des actes ignobles et délibérés, contrairement aux cent Compagnons à l’esprit rongé par la folie.
Même après trois mille années, certains se souviennent des écoles de Mesaana, lieu d’apprentissage à la gloire des Ténèbres. Les élèves trop “lents” pour apprendre étaient tués et les élèves trop différents martyrisés. Ceux qui survécurent, leur esprit brisé, ravagèrent le monde pendant la Dislocation, sous le nom “d’enfants de Mesaana”.
D’autres encore se rappellent avec horreur les légendes derrière la création des créatures des Ténèbres et de tous les humains qui furent torturés par Aginor, un généticien de génie, dans le but de donner vie à ces abominations…
Mais, contrairement à une idée préconstruite, les treize Rejetés furent loin d’être les seuls Aes Sedai de l’Âge des Légendes à trahir pour les Ténèbres. Ce sont “seulement” les plus puissants mais surtout ceux qui furent conviés par le Grand Seigneur à le rejoindre sur la brèche, avant l’assaut du Dragon Lews Therin Telamon et de ses Cent Compagnons.
C’est aussi eux qui régnèrent sur les autres Suppôts des Ténèbres, gouvernant les régions prises en son nom.
Choisis pour leurs ambitions sans égal, leurs compétences, leurs influences et leurs philosophies, ils étaient les seuls à pouvoir approcher leur Grand Seigneur et entendre directement sa voix. Ainsi ils possèdent un lien des plus précieux avec leur maître.
L’origine des Rejetés
Les Rejetés n’ont pas toujours servi les Ténèbres. En réalité, nombre d’entre eux furent des héros de la Lumière avant de rejoindre les Ombres.
Ainsi beaucoup portaient les trois noms, signe de distinction sociale durant l’Âge des Légende. Par exemple, Barid Bel Medar, qui deviendra par la suite Demandred, fut un des plus grands dirigeants de l’Âge des Légendes, seulement éclipsé par Lews Therin Telamon, le Dragon en personne !
De même, Elan Morin Tedronai et Nemere Demandar Boann étaient respectivement connus comme étant un très grand philosophe et une médecin de renom avant de devenir Ishamael et Semirhage, deux des Rejetés parmi les plus craints.
Enfin rien n’aurait dû pousser Mierin Eronails, une archéologue réputée mais cependant dépourvue des trois noms, à rejoindre les Ténèbres. Mais c’est son appétit pour le savoir ainsi peut être d’un désir d’élévation sociale qui la poussa sans s’en rendre compte à fêler la prison du Ténébreux. Et c’est en entrant directement en contact avec le Grand Seigneur des Ténèbres qu’elle devient Lanfear, la Fille de la Nuit.
Les Rejetés sont loin d’être dévoués au mal par essence. En réalité, ils on tous eu des raisons plus ou moins “compréhensibles” de choisir la damnation.
Quand Joar Addam Nessosin, artiste de renom, rejoint le Grand Seigneur, ce fut simplement pour l’immortalité et l’orgueil. Ainsi il devient Asmodean en espérant devenir le plus grand artiste de tous les temps.
A l’inverse, Ared Mosinel et Tel Janin Aelinsar, tous deux de grands généraux de la Lumière, choisirent de la trahir à cause de leur rivalité avec Lews Therin Telamon. Ainsi Rahvin et Sammael, tout comme Demandred et Bel’al par ailleurs, se sont construits en opposition au Dragon.
Concernant Ishar Morrad Chuain, alias Aginor, se fut tout simplement l’appétit d’un savoir transgressif qui causa sa chute. Biologiste et généticien de génie, ce fut justement son appétence à l’idée de transformer l’humain, ultime tabou, qui poussa la société à le rejeter et par ce fait à le pousser dans les bras du Ténébreux.
Contrairement à bien des Rejetés, la trahison l’historien Eval Ramman a très peu de lien avec son métier. C’est plutôt son hédonisme débridé qui le poussa à devenir Balthamel.
Bien qu’elle soit tout aussi hédoniste, le cas de Kamarille Maradim Nindar est plus complexe. Psychologue parmi les plus renommés de l’Âge des Légendes, c’est sa fascination pour le contrôle et la coercition de l’esprit des autres qui la fait rejoindre le Grand Seigneur sous le nom de Graendal.
Enfin, le cas de Lillen Moiral est des plus simples. C’est l’ambition qui poussa cette conseillère en investissements et employée de Lews Therin Telamon à trahir la Lumière, sous le nom de Moghedien, en fournissant des informations au légions du Ténébreux.
Mais si les raisons qui les ont poussé à rejoindre le Ténébreux sont multiples, il est aussi certain que tous les Rejetés sont individualistes, paranoïaques, envieux et orgueilleux. Tous luttant les uns contre les autres pour le pouvoir et les faveurs du Grand Seigneur.
Il n’y a ni amitié, ni respect entre les différents Elus. Chacun méprisant la majorité de ses compagnons, faisant tout pour les manipuler, les utilisant pour arriver à leurs propres objectifs. Tout cela dans le but de devenir le Nae’blis, le premier des Elus, celui qui peut diriger tous les autres.
Ainsi leur vie est devenue rien de plus qu’une compétition éternelle, un univers où tout gain est éphémère et où même la mort n’est qu’une partie du jeu…
Cette grande partie de pierre, les Rejetés la jouaient avant leur emprisonnement et ils la rejoueront lors du Troisième Âge, s’affrontant et s’alliant dans un grand ballet, tout en affrontant la Lumière et le Dragon Réincarné.
Cette histoire vous sera contée dans un autre article de la Pierre de Tear.
L’inspiration et les symboles derrière les Rejetés (légers spoilers)
Une symbolique chrétienne…
A bien des égards, les Rejetés sont comme le reflet déformé des apôtres de la religion chrétienne.
De part le nombre déjà : treize. Ou plutôt douze plus un, les Rejetés et le Nae’blis, comme les apôtres suivent le Christ.
Même si le Nae’blis n’est bien entendu pas le “fils” du Ténébreux, Ishamael, qui tient ce rôle de premier parmi les Elus dans les romans est un corrupteur et un propagateur des Ténèbres et de leur philosophie. Il est comme le Christ qui apporte la parole de Dieu sur Terre dans les religions chrétiennes.
De plus les Rejetés portent des noms de damnation, comme les anges déchus que sont les démons des religions abrahamiques (christianisme, judaïsme, islam).
De plus, plusieurs noms des Rejetés peuvent faire référence aux démons et à l’Enfer.
Parmi les exemples les plus évidents, nous pouvons trouver :
- Lanfear, dont la prononciation est “l’enfer”
- Bel’al, référence à Bélial
- Asmodean, référence directe au démon éponyme
…et dharmique…
Les religions dharmiques sont un groupe de religions aux racines communes tel que l’indouisme, le bouddhisme ou le sikhisme. Parmi leurs points communs, deux nous intéressent ici : le dharma et la réincarnation.
Le dharma est une notion infiniment complexe, difficile à maîtriser en Occident tant elle est liée à la culture mais aussi aux langues des religions qui usent de ce concept.
Toujours est-il que le dharma peut être résumé à une loi cosmique, une justice définie, un ordre éternel.
Et c’est ce que représente la Trame que tisse la Roue : un ordre éternel ou chaque existence est un fil de la tapisserie. Mais contrairement au mythe des parques, les Rejetés, comme tout être vivant, y sont à jamais liés, vivant des milliers vies à travers les Âges.
Et le fil d’Ishamael, le premier des Rejetés, est le contrepoint éternel du Dragon. Ainsi, il est l’Elu des Ténèbres. De ce fait, il incarne la dualité du monde autant que Rand al Thor, le Dragon Réincarné.
La mort est loin d’être définitive pour les Rejetés. Liés à jamais au Ténébreux, la fin de leurs corps mortels permet à leur Seigneur de reprendre le fil de leur vie et de le réintégrer dans un nouveau corps, avec un nouveau nom mais en conservant une grande partie des souvenirs et de l’identité originelle du rejeter.
Toutefois, contrairement à la résurrection, la réincarnation a de multiples effets secondaires. Le premier est bien entendu la transformation de l’apparence tandis qu’un second est le possible changement de genre.
Mais ce qui est bien plus important reste le changement de caractère des réincarnés. Ainsi, par un mélange d’influence du Ténébreux et de leur nouveau corps les Rejetés évoluent et changent.
Car ces corps sont ceux d’hommes et de femmes décédés. Des êtres qui ont vécu avec leur propre histoire et cela influe sur les Rejetés.
Enfin si les Rejetés assassinés peuvent être réincarnés, leur destruction totale par les Torrents de Feux, ce pouvoir qui déchire la trame même du monde, rend ce procédé impossible. Même le Ténébreux est limité par la nature de la trame.
conclusion
De tous les antagonistes de la Roue du Temps, les Rejetés sont probablement les plus iconiques. Mais si ce sont des êtres quasi mythologiques, aux pouvoirs et à l’influence immenses, ils incarnent aussi, mieux que quiconque, les failles des Ténèbres.
Failles qui, au bout du compte, causeront leur perte…
Mais ceci est une autre histoire, qui, de L’œil du Monde à Tarmon Gaidon s’est écrite.
Et dont un autre article à venir sur la Pierre de Tear vous contera les souvenir.