Chaque mois, la Pierre de Tear partage un coup de cœur d’un membre de l’association !
Aujourd’hui, c’est au tour de Rckep : membre du Comité d’Animation de l’association, il est aussi notre Monsieur Podcast. Et, à présent, il va nous parler de La Tour Sombre, une saga de Stephen King.
“Quiconque croit que l’imagination ne peut tuer est un imbécile.”
Tome 7 – La Tour Sombre
J’ai toujours été fasciné par l’œuvre de Stephen King, moi qui, même devenu adulte, suis incapable de regarder un film ou jouer à un jeu d’horreur. J’ai commencé à me plonger dans ses écrits très tôt, alors que j’étais en primaire : les livres étaient dans la bibliothèque familiale, on ne faisait pas trop attention à ce que j’y prenais et puisqu’à cet âge braver ce qui semble être interdit est presque un réflexe, je ne me faisais pas prier pour piocher allégrement dans la collection. J’en ai passé des nuits lampe de poche sous la couette à faire défiler les pages, Shining, Cujo, Le fléau, Charlie… Déjà, à l’époque, la production pléthorique de King était telle que je n’étais jamais en manque de nouveauté.
Mais tout ça n’était rien à côté du roman qui a marqué mon enfance, celui qui m’a terrifié, fasciné, dégouté mais aussi enchanté, une œuvre si célèbre qu’elle est maintenant complètement intégrée à la culture populaire, à savoir Ça, l’histoire de ce monstre au 100 visages qui terrorise la ville de Derry dans le Maine et qui va trouver sur son chemin une bande de gamins déterminés à lui faire la peau. Je pourrais faire un coup de cœur rien que sur ce roman, vous raconter comment il me donne encore des cauchemars plus de 20 ans plus tard mais aujourd’hui, je suis là pour vous parler d’une autre œuvre majeure de la bibliographie du maître de l’horreur : La Tour Sombre.

“L’homme en noir fuyait à travers le désert, et le pistolero le suivait.”
Tome 1 – Le Pistolero

La Tour Sombre est le cycle le plus monumental de l’œuvre de Stephen King. S’étalant aujourd’hui sur 8 tomes plus une préquelle, nous sommes plongés dans son univers pour plus de 4200 pages. L’écriture de cette épopée se sera étalée sur plus de 30 ans puisque c’est en 1970 que King, inspiré par un poème de Robert Browning (Le chevalier Roland s’en vint à la Tour noire) commence la rédaction du premier des cinq récits qui composent le premier volume du cycle : Le Pistolero. Il mettra déjà dix ans à terminer ce premier tome avec le cinquième récit : Le Pistolero et L’Homme en noir. D’abord publiés dans The Magazine of Fantasy & Science Fiction entre 1978 et 1981, ils seront regroupés pour ne former qu’un seul volume en 1982. Ce schéma d’écriture original et décousu se ressent dans le produit final puisque le tome 1 reste aujourd’hui et même après révision par King quelques années plus tard un livre un peu à part et qui est souvent ressenti comme une barrière pour les nouveaux lecteurs. Je me permets d’insister sur ce point : ne vous arrêtez pas à ce premier volume, il est court et croyez-moi, l’aventure vaut d’être vécue !
Illustration : Michael Whelan
“Tout ce qu’on imagine, si exubérant que cela paraisse, n’est rien d’autre qu’une version déguisée de ce que l’on connaît déjà.”
Tome 6 – Le chant de Susannah
Dès ses débuts dans l’écriture, Stephen King avait pour ambition d’écrire une épopée à la Seigneur des Anneaux de J.R.R Tolkien mais c’est Clint Eastwood et son rôle dans le western Le Bon, la Brute et le Truand qui a directement inspiré l’auteur pour son personnage principal, Roland de Gilead. Les influences et les références ne s’arrêtent pas là puisque tout au long de la saga on retrouve bien sûr beaucoup du mythe Arthurien mais aussi des références à des œuvres variées telles que Star Wars, Le Magicien d’Oz ou même Harry Potter. Mais ce qui fait le sel du cycle, surtout pour un lecteur de King comme moi c’est que la saga est aussi un gigantesque hub de l’œuvre globale de l’auteur, les sept tomes sont parsemés de références à ses autres romans. Ici un personnage vient directement d’un livre et nous parle même de son histoire, là tel personnage est doué de “Shining”… Je reste volontairement vague pour ne pas spoiler et laisser le plaisir aux lecteurs potentiels de les repérer par eux-même mais sachez que cela va très loin dans l’auto référencement même si ça ne gâchera pas le plaisir d’un lecteur néophyte.

Illustration : Bernie Wrightson
“Je ne vise pas avec ma main ; celui qui vise avec sa main a oublié le visage de son père. Je vise avec mon œil.”
Credo des Pistolero

Mais maintenant que la présentation un peu Wikipédia est faite, ça parle de quoi La Tour Sombre ? Eh bien, La Tour Sombre c’est l’histoire de Roland de Gilead, dernier membre de son ordre “Les Pistolero” qui s’est mis en quête de la Tour Sombre, construction mythique, au centre de tous les mondes et qui est aussi le pilier qui maintient l’équilibre de l’univers. Cette Tour est maintenant menacée par les forces du chaos qui provoquent l’effondrement des mondes et notamment celui de Roland qui a vu son pays dépérir, ses amis mourir et même le temps se détraquer complètement.
Il ne sera pas seul dans sa quête car il sera vite rejoint par une galerie de personnages variés allant d’Eddie Dean, ex junkie New Yorkais des années 80 au sens de l’humour piquant à Jake Chambers, un garçon de 11 ans doué du “Shining”, lui aussi originaire de New York mais dans les années 70 en passant par Odetta Holmes une jeune afro-américaine des années 60 dont les jambes sont coupées en dessous des genoux et souffrant de trouble dissociatif de l’identité.Tous ultra développés et ayant leur propres histoires et motivations, ils finiront par former un Ka-Tet (un groupe de personnes partageant des liens fort et un objectif commun) tournés vers un seul objectif : atteindre la Tour Sombre.
Illustration : Michael Whelan
“Je ne tire pas avec ma main ; celui qui tire avec sa main a oublié le visage de son père. Je tire avec mon esprit.”
Credo des Pistolero
Leur voyage les emmènera à traverser une multitude de mondes tous plus ou moins atteints par la décrépitude engendrée par les attaques des légions du chaos contre la Tour, il y affronteront une galerie d’antagonistes diverse : mutants, démons, robots et autres sorciers mais y rencontreront aussi les derniers habitants tentant de survivre dans ces mondes en déclin. Batailles épiques, énigmes retorses ou même devinettes mortelles, nos héros devront utiliser toutes leurs ressources et puiser jusqu’à la dernière goutte de leurs talents pour se sortir des situations qui se présentent à eux.
La saga sera aussi l’occasion de plonger dans la psyché de nos héros et notamment dans celle de Roland, obsédé par sa quête et prêt à tout, même du pire, pour atteindre son objectif faisant de lui un exemple d’anti héros, tantôt touchant, tantôt détestable mais toujours ultra charismatique. Surtout quand il fait parler la poudre, des moment que King nous décrit à la perfection, nous faisant ressentir le bruit et l’impact des tirs que crachent les revolvers monstrueux du pistolero qu’il manie avec une dextérité surnaturelle.

Illustration : Ned Dameron
“Je ne tue pas avec mon arme. Celui qui tue avec son arme a oublié le visage de son père. Je tue avec le cœur.”
Credo des Pistolero

L’écriture, justement ! Si vous avez déjà lu un livre de Stephen King, vous le savez, son écriture est hyper efficace, une prose simple, sans fioriture, presque conversationnelle qui excelle à nous décrire les situations dans lesquelles il met ses personnages, nous faisant ressentir leur vie quotidienne dans les moments de calme et nous plongeant profondément dans l’horreur de ce qui leur arrive immanquablement.
Dans La Tour Sombre on retrouve ce style emblématique : des dialogues ciselés, des descriptions précises qui nous permettent de ressentir le monde qui nous entoure dans ses travers aussi bien que dans sa beauté. Le mélange de style lui permet aussi d’expérimenter car la saga mélange allégrement le western, la fantasy mais aussi la science-fiction dans un mélange qui parvient, par la maestria de l’auteur à rester cohérent tout au long des tomes. On aura jamais l’impression de voyager dans un patchwork sans queue ni tête.
Illustration : Ned Dameron
“Je ne crois pas qu’il ait besoin d’être immortel. Je crois que tout ce qui lui faut, c’est écrire la bonne histoire. Parce que certaines histoires sont immortelles.”
Tome 6 – Le Chant de Susannah
Bref, vous l’aurez compris, La Tour Sombre est une saga chère à mon coeur, pour un lecteur de King comme moi, c’est une étape naturelle dans un parcours de lecteur mais pour autant, je conseille à tous de tester l’aventure car ce cycle a un potentiel d’œuvre culte que je trouve un peu sous-estimé comme on aurait tendance à sous-estimer son auteur qui, pour moi, est au panthéon des meilleurs écrivains de tous les temps mais qui pour d’autres reste un auteur de romans de gare de par sa popularité et le style (présumé) de ses livres. Je dois quand même ici préciser que si je conseille la lecture à tout le monde, il faut quand même être prévenu qu’on parle ici de Dark Fantasy imaginée par un auteur considéré comme maître de l’horreur. Le monde est cruel, violent, sale et King le décrit sans concessions, la liste des triggers warnings serait trop longue à énumérer donc considérez que celui auquel vous pensez est présent au moins une fois

Illustration : Michael Whelan
“Une fin heureuse, ça n’existe pas. Jamais je n’en ai vu une qui soit à la hauteur d’un « il était une fois ». Les fins sont cruelles. La fin, c’est juste un synonyme d’adieu.”
Tome 7 – La Tour Sombre

Pour finir, un petit mot sur le transmedia ! Après le ratage du film de 2017, les droits d’adaptations sont désormais entre les mains du réalisateur Mike Flanagan qui voudrait en faire une série de cinq saisons suivis de deux films qui conclueraient la saga avec selon lui, une seule base de travail : les livres et rien que les livres. Autant vous dire que les fans, dont moi au premier rang, trépignent d’impatience à l’idée de redécouvrir leur saga adaptée correctement à l’écran. Un petit mot aussi pour le podcast La 19é palabre présenté par Emilie, la gérante du site Stephen King France (https://stephenkingfrance.fr/) en compagnie de GrandPoil (podcasteur du label Podcut) et Zephiriel (podcasteur du label Vaisseau Hyper Sensas) qui décortiquent chaque 19 du mois (vous comprendrez le 19 si vous lisez) la saga chapitre par chapitre, analyse méta, théories, connexions avec l’œuvre de King, tout y passe et pour vous donner une idée du niveau de décorticage, en deux ans et demi, ils en sont rendus à peine au début du tome 4.
Illustration : Michael Whelan
Merci de m’avoir lu et comme on dit dans l’Entre-Deux-Mondes :
“Que vos journées soient longues et vos nuits plaisantes”