Rétrospective sur la Roue du Temps (partie 8) – A Memory of Light : la Tour Noire

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En Octobre 2013, Brandon Sanderson a commencé sur son blog une série d’articles dans lesquels il revenait sur son expérience en tant que successeur de Robert Jordan pour l’écriture de la Roue du Temps. Voici le huitième article, en français. Merci à Demiandre pour la traduction !

Retrouvez l’article original ici, publié le 1er novembre 2013 : https://www.brandonsanderson.com/the-wheel-of-time-retrospective-a-memory-of-light-the-black-tower/

A Memory of Light : la Tour Noire

Robert Jordan n’a pas laissé beaucoup de directive concernant la Tour Noire. Il y avait bien quelques perles, mais pour un certain nombre de détails, il m’a fallut me fier à mon instinct pour les intrigues qu’il avait commencé à mettre en place dans ses derniers livres. Il a cependant laisser beaucoup d’instructions très claires sur Taim, heureusement, incluant son historique personnel, ainsi que des instructions sur la scène où Taim est nommé Réprouvé.

Androl et Pevara

En travaillant sur l’intrigue de la Tour Noire, j’ai compris très tôt que je voulais un nouveau point de vue, avec un nouveau personnage. L’une des raisons est que nous n’avions personne pour montrer vraiment à quoi ressemble la vie quotidienne d’un membre de la Tour Noire. Cela me faisait l’effet d’un trou dans la mosaïque des points de vue de la série. De plus, chaque livre de la Roue du Temps ou presque avait soit introduit un nouveau point de vue soit ajouté de la profondeur à un personnage qui semblait d’importance mineur. Alors que nous nous approchions de la fin de la série, je ne voulais pas poursuivre cette méthodologie très loin. Mais je voulais quand même ajouter au moins un personnage dans ces trois livres.

J’ai proposé à l’équipe Jordan de remplir ces deux objectifs en utilisant un membre de base de la Tour Noire, de préférence quelqu’un n’étant pas Asha’man en titre, et plutôt mal considéré. Ils m’ont suggéré Androl. Les notes de Jordan ne disaient rien sur lui et même s’il avait toujours été plus ou moins là, les projecteurs n’avaient encore jamais été sur lui. Un choix parfait semble-t-il.

Quelques détails supplémentaires sont venus se greffer à cette séquence. L’un d’entre eux était mon désir de diversifier et d’étendre l’usage des portails dans la série. Pendant des années, en tant qu’aspirant écrivains, j’ai imaginé comment j’utiliserais les portails si je devais écrire un livre avec. Je suis même allé jusqu’à inclure dans Stormlight Archive un système de magie construit autour d’un mécanisme de téléportation similaire. Pouvoir travailler sur la Roue du Temps a été excitant pour bien des raison, mais une très importante pour moi a été de pouvoir jouer avec mes systèmes de magie préférés et explorer quelques nouvelles pistes. J’ai dit que je ne voulais pas inclure un grand nombre de nouveaux tissages, mais plutôt que je voulais trouver des moyens d’utiliser des tissages déjà connus pour de nouvelles tâches. J’aimais également l’idée de m’attarder un peu plus sur le système de Talent, des facultés propres aux individus dans certains domaines du Pouvoir Unique.

Androl devint mon expert en portail. Un autre point clé de son élaboration vint d’Harriet, qui m’a envoyé un long article sur le travail du cuir qu’elle avait trouvé dans les notes de M. Jordan. Elle disait : “il avait prévu de s’en servir quelque part, mais nous ne savons pas où.”

Une pièce finale de l’histoire d’Androl m’est venue pendant ma relecture de la série, lorsque je me suis aperçu que la communauté de fan était résolument trop opposé à l’Ajah Rouge. Il est vrai que leur leadership a provoqué de nombreux problèmes dans la série, mais leur but était noble. J’ai le sentiment que les lecteurs voulaient traiter cette Ajah comme l’équivalent de Serpentard – la maison des bons à rien, dont chaque membre est l’archétype d’une tare. Robert Jordan lui-même a travaillé pour contrebalancer cet état de fait, ajoutant une grande profondeur à l’Ajah Rouge en introduisant Pevara. Elle est rapidement devenue un des mes personnages secondaires préférés, et je voulais lui offrir une intrigue solide dans les derniers livres. Construire une relation entre elle et Androl m’a semblé naturel, car cela m’a permis non seulement d’explorer le processus de Lien, mais également de travailler sur une petite romance dans les trois derniers livres – un autre thème récurent dans les tomes de la Roue du Temps. La relation Androl/Pevara au travers de leur Lien relève également de l’expérience et de l’exploration. Même si tout cela, Robert Jordan l’avait suggéré dans ses notes, je disposais d’une certaine liberté pour l’écrire. J’avais le sentiment que le parallèle avec le lien du Loup avait du sens, avec (bien entendu) des distinctions.

Placer les séquences Pevara/Androl dans le livre a en revanche été assez difficile. Towers of Midnight est le livre où nous avons eu la plus grosse compression temporelle. C’était dans ce tome tome que je comptais mettre la majorité des séquences de la Tour Noire, mais au final, cela ne collait pas – en grande partie parce que nous n’avions tout simplement pas le temps de me laisser les écrire. Nous avons donc décidé d’inclure les quelques passages que j’avais fini mais de conserver l’essence de l’intrigue pour A Memory of Light, si je réussissais à trouver le temps pour l’écrire.

J’ai trouvé le temps – en grande partie en coupant la séquence de Perrin. Perdre ces 17 000 mots perturbait le rythme du tome final. Il fallait une intrigue avec une tension plus spécifique pour contrebalancer le développement de certaines séquences du début du livre, lorsque les personnages panifient, intriguent et débattent. J’ai pu développer la partie Androl/Pevara pour combler ce trou et montrer un grand nombre de choses que je voulais montrer dans ce livre.

Rand et Logain

J’ai pris quelques décisions en ce qui concerne la Tour Noire. La première était de ne pas inclure Rand. C’est vrai que l’équilibre narratif aurait été très bon de voir Rand venir sauver les Asham’man, pour régler sa dette du tome 6 (NdT : “Les Puits de Dumaï”), mais j’avais la sensation que Rand venait un peu trop souvent à la rescousse. La Tour Noire allait bientôt perdre son fondateur de manière permanente, et si ses membres n’étaient pas capables de gérer leurs problèmes seuls, ils se seraient retrouvés handicapés et affaiblis à la fin de l’histoire. De plus, je crois que la personnalité de Rand (comme montré dans les livres précédents) le poussait à éviter de tomber dans un piège. Son argument de ne pas vouloir prendre le risque d’une confrontation est bon. Androl et compagnie devaient faire face à leurs problèmes – avec tout de même l’aide d’une Aes Sedai. Cela me semblait important.

Il est probable que la décision la plus controversé (parmi l’équipe Jordan) que j’ai prise était de rendre Logain plus sombre. A la suite d’une longue torture, j’avais le sentiment que Logain en ressortirait complètement différent – même s’il a toujours une part de ténèbre en lui. Certains membres de l’équipe Jordan pensaient que Logain avait dépassé ce stade et je n’étais pas d’accord. Il a été faux Dragon, Neutralisé puis Guéri, à la tête d’un groupe de gens sur le chemin de la folie mais loyaux à Rand – même s’ils ont rarement interagit avec lui. Il y a tant à dire sur cet homme qu’il pourrait bénéficier d’une série entière à lui tout seul.

Je voulais qu’il se débatte avec tout cela. Depuis sa capture, la vie de Logain ressemblait à “va ici, va là, fais ceci, fais cela”. Il fallait qu’il décide par lui-même quel genre de Tour Noire il voulait diriger, s’il voulait gagner l’honneur des hommes comme cela lui a été promis. (Et oui, ce la ne s’était pas encore produit à la fin de la série). Pour ce que j’en sais, Logain n’a jamais abandonné le pouvoir – cela lui a toujours été retiré. Il fallait l’autoriser à choisir.

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