Robert Jordan a écrit la nouvelle Le raid à Shayol Ghul à la demande des fans en 1996. Elle raconte l’attaque finale du Shayol Ghul menée par Lews Therin Telamon et les siens. Merci à Valère, qui l’a traduite.
Avant-propos de Robert Jordan:
Parfois des fans me demandent si j’ai l’intention d’écrire des préquelles à la Roue du Temps. Si quelques demandes concernent des livres sur les Guerres des Trollocs, ou sur l’ascension et la chute du grand roi, Artur Aile-de-Faucon, ou sur la vie de personnages variés, les plus fréquentes sont celles pour des livres sur l’Âge des Légendes et sa fin pendant les Guerres du Pouvoir, et la question la plus souvent posée, je pense, est: “Pourquoi, alors que les plus grandes réalisations de l’Âge des Légendes ont été faites par des hommes et des femmes travaillant ensembles avec le Pouvoir Unique, l’attaque finale sur Shayol Ghul a été menée uniquement par des hommes?” Pour l’instant je n’ai pas l’intention d’écrire un de ces livres, mais je ne dirais pas qu’une histoire ou deux ne pourraient pas surgir finalement. D’habitude, je n’écris pas de nouvelles. Mon éditeur affirme que pour moi, une nouvelle représente cinquante mille mots. En ce qui concerne la question… J’espère que ces fans (et le reste d’entre vous) se satisferont pour l’instant de ce qui suit, un extrait fictif de “non-fiction”, un fragment d’une Ère appelée par certains la Troisième Ère, une Ère encore à venir, une Ère depuis longtemps passée…
The strike at the Shayol Ghul
Le raid sur Shayol Ghul
Par Robert Jordan
(Introduction préliminaire)
Par Jorille Mondevin,
Historienne Royale à la Cour de
Sa Majesté Rayonnante,
Ethenielle Kirukon Materasu,
Par la Bénédiction de la Lumière,
Reine du Kandor,
Protectrice de la Terre,
Bouclier du Nord,
Haut Trône de la Maison Materasu
Une des plus importantes découvertes de ces dernières années, peut-être même depuis la Dislocation, est une copie incomplète de ce qui n’est rien moins qu’une Histoire du Monde, depuis la brèche dans la Prison du Ténébreux jusqu’à la fin de la Dislocation du Monde. L’original semble dater des prémisses du Premier Siècle A.D. Même si les documents datant du premier millénaire après la Dislocation sont très rares, nous pouvons être heureux que la technique de l’imprimerie a survécu à la Dislocation du Monde alors que tant d’autres n’y ont pas résisté, et qu’elle a été pratiquée à un certain degré pendant la Dislocation même, quoique sous des conditions sévères et de manière limitée. Lorsqu’on considère les destructions très étendues des Guerres des Trollocs et de la Guerre des Cent Années, qui ont, quoiqu’à un degré bien moindre que la Dislocation, vu des cités, des nations et pire, la connaissance, partir en flammes, nous devons nous émerveiller devant tout écrit qui a survécu plus de trois mille ans. Ce que nous savons est basé sur des fragments, copiés et recopiés un millier de fois, mais au moins ils nous apprennent quelque chose. Même la plus petite connaissance est préférable à l’ignorance.
Découvertes dans un grenier poussiéreux de Chachin, les pages étaient dans un coffre rempli de vieilles factures et reçus, de cahiers d’étudiants et de journaux intimes, certains si dégradés par l’âge et à l’encre si pâle qu’ils étaient illisibles là où les pages elles-mêmes n’étaient pas tombées en poussière. Le manuscrit fragmentaire était lisible, de justesse, mais présentait les problèmes habituels, même en laissant de côté les problèmes de traduction et les siècles d’erreurs de copistes ; une telle histoire représentait sans doute un vaste travail sur plusieurs volumes (voyez la note de l’auteur à la fin), et pourtant des deux cent douze pages survivantes, le plus grand nombre de pages consécutives ne s’élève qu’à six, et pas plus de deux dans le reste. Les dates fournies sont complètement incompréhensibles, puisque aucun calendrier datant de l’Âge des Légendes n’a été retrouvé. De nombreuses références à des événements cataclysmiques (les terribles batailles et les cités détruites par les Torrents de Feu pendant la Guerre du Pouvoir, les régions entières couvertes par la mer et les chaînes de montagne élevées en une nuit pendant la Dislocation), avec une minutie détaillant l’apparition de telle personne, ne sont que des curiosités. Les pages qui pouvaient révéler exactement où ces faits se sont déroulés, quelle en était la signification particulière, leur résolution ou leur conclusion, sont généralement manquantes. Alors pourquoi cette collection est-elle si importante ? D’abord parce que, aussi altérée qu’elle soit, elle contient plus d’informations sur la Guerre des Ténèbres que toute autre source, peut-être autant que toutes les autres sources réunies. Plus important encore, elle donne une grande quantité d’informations indisponibles ailleurs. Et le plus important, les six pages consécutives et d’autres qui leur sont proches contiennent le seul compte rendu des circonstances entourant ce qui doit être sûrement l’évènement historique de la plus grande importance au monde, toutes Ères confondues : le comblement de la Brèche par Lews Therin Telamon et les Cents Compagnons.
Nous ne pouvons toujours pas être certains du temps qui s’est écoulé entre le percement de la Brèche et le commencement réel de ce qui allait être appelé la Guerre des Ténèbres, mais au moins cinquante ans et peut-être plus de cent ans ont été marqués par un déclin rapide de l’ordre social et une augmentation rapide de milliers de maladies auparavant soit rares soit entièrement inconnues. La guerre elle-même était une “nouvelle” découverte, semble-t-il, quoique rapidement assimilée, certains diraient même poussée à sa perfection. La Guerre des Ténèbres a oscillé d’un côté, puis de l’autre, dans le feu et le sang, pendant son déroulement. Les trois premières années, l’Ombre a remporté de grandes victoires, et des parts importantes du monde tombèrent sous l’horreur de la domination du Ténébreux, en tout cas indirectement sous celle de ses représentants humains. Et sûrement, la présence des Myrddraals et des Trollocs ne pouvait pas être appelée indirecte. Sous le commandement de Lews Therin Telamon, le Dragon légendaire des Prophéties, beaucoup de ce qui avait été perdu a été repris au cours des quatre années suivantes, mais pas sans d’autres défaites. A ce moment, le conflit est entré dans une impasse, et pendant près d’un an aucune des parties n’a été capable de progresser, malgré de féroces batailles, mais lorsque la guerre est sortie de l’ornière, l’Ombre a recommencé à avancer, lentement d’abord mais avec toujours plus de vitesse. Selon l’auteur de cette histoire fragmentaire, “C’était comme si chaque pas en avant de l’ombre répandait les graines du chaos devant lui, et se nourrissant de ce qui poussait, l’Ombre gagnait en force, de telle sorte que la prochaine enjambée serait plus longue, et le prochain pas plus long encore”.
Des immenses régions avaient été dévastées à des degrés divers à ce moment comme la guerre hésitait en avant et en arrière tout autour du monde, et il était évident que tant que l’Ombre affamait ou assassinait un grand pourcentage de la population dans les territoires conquis, les forces de la lumière ne pourraient plus longtemps supporter une guerre prolongée. Ils perdaient, ils étaient poussés vers une défaite inévitable avec une vitesse de plus en plus grande, et s’ils voulaient gagner, ils devaient gagner vite.
Un des plans pour terminer rapidement la guerre, proposé par Lews Therin, s’axait sur une attaque directe sur la Brèche elle-même. Sept “points focaux” (il ne semble pas y avoir de meilleure traduction, même si ce sont évidemment les Sceaux Légendaires) ont été réalisés en Cuendillar. Une troupe d’assaut — comme ils l’appelaient, même si au regard des événements récents cette troupe semble une grande armée pour la plupart des peuples de nos jours — une troupe d’assaut constituée de vingt mille soldats protégeant un cercle de sept femmes Aes Sedai et six hommes (le nombre minimum qu’on croyait nécessaire, et les plus forts qu’on pouvait trouver) devait Voyager jusqu’à Shayol Ghul, l’emplacement du monde où ce qui a été appelé une “minceur dans la Trame” rendait la Brèche perceptible, et là implanter les sceaux maintenus par les points focaux, qui combleraient et isoleraient une fois de plus le Ténébreux du monde.
Ce plan était considéré risqué pour plusieurs raisons. Même de nos jours il est connu que le Ténébreux dispose d’un certain effet sur le monde à proximité de Shayol Ghul, et il était probable qu’une tentative de canaliser là-bas serait instantanément détectée et la troupe d’assaut détruite. Lews Therin lui-même, qui entendait conduire personnellement cette énorme offensive, admettait que même en cas de succès, il s’attendait à peu de survivants, voire aucun. Pire, certains experts s’écriaient que si les sceaux n’étaient pas placés avec une exacte précision, la contrainte résultante, au lieu de sceller la Brèche, l’arracherait, libérant complètement le Ténébreux.
Un autre plan à la même époque était basé sur deux énormes sa’angreal, l’un accordé au saidin et l’autre au saidar, chacun si puissants que leur utilisation demandait des ter’angreal spéciaux, sortes de versions miniatures des grands sa’angreal, et conçus spécialement pour y accéder. Ce projet avait lui aussi ses détracteurs, car les sa’angreal auraient été si puissants, que séparément ils auraient bien pu fournir suffisamment de Pouvoir de l’Unique pour détruire le monde, et qu’ils y seraient certainement parvenus si utilisés ensemble. Certains doutaient que tant du Pouvoir de l’Unique pouvait être maîtrisé sainement dans ces circonstances. Les promoteurs du plan avaient la certitude qu’utilisés ensemble ils pourraient fournir assez de Pouvoir Unique pour repousser les forces de l’Ombre, les battre totalement et ériger une barrière autour de Shayol Ghul jusqu’à ce qu’une méthode sûre de combler la Brèche soit définie.
Les détracteurs soulignèrent que la Brèche s’était élargie depuis qu’elle avait été forée, et que derrière la barricade élevée par les sa’angreal elle continuerait à grandir, et que finalement le Ténébreux pourrait se libérer à l’intérieur de la barrière. La barrière aurait pu résister au Ténébreux si ses tentatives avaient été limitées par la petite taille du Trou, mais aurait-elle retenu le Ténébreux une fois libéré ?
La Chambre des Serviteurs se scinda rapidement en deux clans, et ceux qui favorisaient un plan dénigraient l’autre.
Le soutien pour l’utilisation des deux grands sa’angreal et l’opposition à la tentative d’implanter les sceaux se cristallisèrent autour d’une femme appelée Latra Posae Decume. Apparemment une oratrice de première force et persuasion, elle rassembla un large bloc autour d’elle, mais ce qui a assuré sa victoire fut un accord conclu avec toutes les Aes Sedai femme d’une puissance significative du camp de la Lumière (dans le manuscrit, cet accord est appelé “la Concorde Fatidique”, mais il est douteux que c’était sous ce nom qu’il était alors connu). Le plan de Lews Therin était trop abrupt, trop dangereux, et aucune femme qui avait rallié la Concorde n’y participerait. Puisque le placement précis des sceaux impliquait un cercle, cet état de fait semblait réduire à néant le plan, puisque les hommes ne peuvent pas former de cercle, mais peuvent seulement entrer dans un cercle créé par des femmes. Le travail sur les sa’angreal, sous la forme de deux énormes statues, fut accéléré. (1)
Au moment où les deux sa’angreal furent terminés, le désastre s’abattit. Les ter’angreal d’accès avaient été fabriqués à un emplacement fort éloigné des sa’angreal (apparemment en raison d’un danger de “résonance incontrôlée pendant les opérations finales”), et cette région fut envahie par les forces de Sammael. Le seul point positif fut que les ter’angreal avaient été cachés et l’emplacement de leur création détruit (leur existence avait été un secret du plus haut niveau tout du long) et ainsi ni Sammael ni personne d’autre de l’Ombre ne surent que ces objets étaient à leur portée. Le côté de la Lumière possédait toujours les sa’angreal, mais sans moyen sûr d’y accéder; sans les ter’angreal il était certain que même les Aes Sedai les plus forts seraient brûlés instantanément par le gigantesque flot du Pouvoir de l’Unique.
Lews Therin plaida à nouveau pour son plan, reconnaissant les risques mais arguant qu’il s’agissait maintenant de la seule chance, pourtant Posae maintint son opposition. La conviction du danger d’un mauvais placement des sceaux s’était répandue, et de nombreuses nouvelles femmes Aes Sedai avaient rejoint la “Concorde Fatidique”, y compris un grand nombre qui n’étaient de toute façon pas suffisamment puissantes pour la troupe d’assaut. Les caractères et les passions se durcirent, et une division apparemment inédite des hommes et des femmes commença à se développer parmi les Aes Sedai en général, et jusqu’à la Chambre elle-même. Finalement, la Chambre décida de poursuivre le plan de Latra Posae, et ses fidèles commencèrent à travailler pour faire passer les ter’angreal hors du territoire contrôlé par l’Ombre. (2)
Presque immédiatement, sur les talons de l’avancée de Sammael, des armées commandées par Demandred et Bel’al frappèrent lourdement. A ce point de la guerre, arrêter l’avance de l’Ombre était le mieux qui pouvait être espéré; aucun territoire conquis n’avait été repris lors des deux dernières années. Au cours de combats intenses et sanglants, ces avancées furent contenues de justesse, mais Demandred et Bel’al maintinrent la pression. Sammael commença une nouvelle offensive, elle aussi à peine contenue, et il est fait mention d’importantes activités militaires ailleurs. Apparemment les deux grands sa’angreal étaient menacés par ces offensives; en fait, il est possible qu’ils étaient leurs cibles. Des émeutes massives submergèrent nombre de cités encore tenues par la Lumière et la “résurgence de la faction de la paix” est mentionnée, apparemment un groupe demandant des négociations avec les Rejetés (3). La défaite finale était proche; la volonté du peuple de résister s’évanouissait, et si une des trois offensives majeures commandées par les Rejetés venait à faire une percée, la fin n’aurait été qu’une question de temps, peut-être à peine de mois. Latra Posae maintenant sa position face à ces événements (4), et les Aes Sedai féminines se tenant à leur serment et donc empêchant la formation d’un cercle (la division avait durci au point que beaucoup de femmes Aes Sedai refusaient de parler aux aux hommes Aes Sedai, et le contraire aussi bien), Lews Therin décida de mener à bien son plan sans l’approbation de la Chambre, et sans même la demander. Il allait clairement être impossible de tenir les énormes sa’angreal suffisamment longtemps pour que les ter’angreal d’accès aient le temps d’être exfiltrés. Pour Lews Therin, il n’y avait plus le choix.
Un groupe de talentueux jeunes Aes Sedai, n’hésitant pas à se faire entendre (apparemment au point d’avoir plusieurs fois perturbés les réunions de la Chambre), s’étaient formés pour soutenir Lews Therin, pendant les disputes avec Latra Posae, un groupe qu’on appelait les Cent Compagnons, même s’ils étaient cent treize à ce moment. En tant que premier commandant militaire pour la Lumière, Lews Therin fut capable de lever une troupe de dix mille soldats sans que la Chambre l’apprenne. Avec cette force et les Cent Compagnons, il lança son attaque sur Shayol Ghul.
Ce qui s’est passé exactement ce jour ne sera jamais connu, mais seulement ses conséquences. Des soldats, pas un homme ni une femme ne revint témoigner. Les sceaux furent placés correctement, sans déchirer les parois de la prison du Ténébreux comme de nombreux opposants l’avaient craint. Par chance, les treize Rejetés étaient à Shayol Ghul (peut-être convoqués à une conférence avec le Ténébreux?), et ils furent enfermés par les sceaux, décapitant ainsi d’un coup le commandement de l’Ombre. Même si la majeure partie du monde était sous la domination de l’Ombre, si les choses s’en étaient arrêtées là, il est certain qu’en quelques années l’Ombre aurait disparu de la surface du monde. La civilisation avait conservé un large degré de cohésion dans les zones tenues par la Lumière, bien plus que dans celles de l’Ombre. Privés de leur haut commandement (et aussi peut-être en raison de la disparition de l’influence du Ténébreux), les Suppôts-de-l’Ombre tombèrent dans des querelles intestines pour le pouvoir, dans des guerres internes, les rendant vulnérables bien avant que la Dislocation progresse au point de faire de la guerre le dernier problème de tout le monde. Dans tous les cas, la Guerre des Ténèbres doit être déclarée terminée ce jour là à Shayol Ghul. Ainsi il en est généralement dans les chroniques.
Mais les choses ne se sont pas arrêtées là, bien sûr. Au contraire, il y eut la contre-attaque du Ténébreux lors du comblement de la Brèche, et le saidin lui-même fut souillé. Lews Therin et les soixante-huit survivants des Cent Compagnons devinrent instantanément fous. En quelques jours ils laissaient une piste de mort et de destruction sur leur chemin. Le temps que la souillure du Saidin fut découverte, des centaines Aes Sedai masculins supplémentaires étaient devenus fou, et ce qui restait de la civilisation après la guerre elle-même avait sombré dans le chaos. Même informer les hommes Aes Sedai restant sains d’esprit du danger était impossible. Ce jour fatidique à Shayol Ghul mit un terme à la guerre, et commença la Dislocation du Monde.
Le meilleur commentaire qu’on puisse trouver vient sûrement de ce qui apparaît comme l’introduction du manuscrit fragmentaire : “Que celui qui lit ceci, si quelqu’un survit pour le lire, pleure pour nous qui n’avons plus de larmes. Qu’il prie pour ceux qui sont damnés vivants.”
NOTE DE L’AUTEUR
La totalité des volumes de ‘L’Histoire Complète de la Guerre des Ténèbres’ et de ‘La Dislocation du Monde’ seront disponibles sur demande à Maîtresse Jorille Mondevin au Palais d’Aesdaishan à Chachin.
Notes
1. Un goût pour la controverse de la pire sorte sévit parmi ceux qui se définissent historiens, et la découverte de ces documents a eu des conséquences prévisibles. Est-ce que les grands sa’angreal auraient prouvé leur efficacité comme Patra Posae le désirait ? Est-ce que si les sceaux avaient été placé par un cercle d’hommes et femmes ensemble, est ce que les hommes, ou même le saidin, auraient été protégés d’une certaine manière de la contre-attaque du Ténébreux ? Ou est-ce que la saidar aurait été elle-même souillée ? Cette dernière possibilité suffit pour faire cailler le sang le plus froid, pourtant le fait est que les événements se sont passés comme ils l’ont fait, et une telle spéculation n’est pas plus qu’un jeu pour effrayer les plus crédules au coin du feu. Ceux à qui je parle sauront à qui je pense.
2. Selon les pages du manuscrit, tous ceux qui entreprirent cette exfiltration des ter’angreal furent capturés, même si ceci ne fut pas découvert avant que les événements rendent caduques les plans de chacun. C’étaient de braves hommes et femmes, et si ceux qui ne furent pas tués sur le champ furent capturés, et si certains révélèrent l’objet de leur mission, aucun ne trahit la position d’un des ter’angreal. Le seul résultat concret fut que les ter’angreal furent éparpillés sur une grande étendue de terrain contrôlé par l’Ombre, leur emplacement et même leur existence devant demeurer cachée pendant des millénaires.
3. Le manuscrit indique qu’il y eut différentes factions de la paix pendant le déroulement de la guerre. Ou un seul, dont l’audience connut des hauts et des bas. Il est clair que plusieurs fois pendant la guerre ce groupe envoya des émissaires aux Rejetés, de sa propre initiative, cherchant un règlement négocié des hostilités, et qu’après leur retour, les membres de ces délégations furent plus tard découverts travaillant à des activités aidant l’Ombre, même si dans certains cas ils étaient complètement inconscients de ce qu’ils avaient fait. On s’étonne que ces personnes ne se soient pas souvenues d’un dicton supposé dater de la Guerre des Ténèbres. “Il n’y a pas de paix avec l’Ombre.”
4. Avant sa mort pendant la Dislocation (dont on ne peut préciser les circonstances d’après le manuscrit, pour la date comme le lieu), Latra Posae atteint une renommée qui rivalisait avec celle de Lews Therin avant elle. Pendant la lutte contre les Suppôts-de-l’Ombre avant que la Dislocation mette un terme à ce qui semblait minime en comparaison, elle obtint le nom de Shadar Nor, que l’on traduit au mieux par “Coupeuse-de-l’Ombre” ou peut-être “Trancheuse-de-l’Ombre” (la difficulté d’une traduction précise de la Vieille langue, avec ses multiples sens, nous poursuivra toujours). Il est ironique qu’aucun autre document déjà découvert ne mentionne son nom ou ses réalisations. Peut-être ceci rendra à Latra Posae Decume sa place dans l’Histoire.